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Points de vue des citoyens ordinaires
25 septembre 2016

COMMENTAIRE OU PROPAGANDE?

A propos du sondage réalisé sur les musulmans de France par l’IFOP pour le compte de l’Institut Montaigne, je lis, sur un site que je fréquente occasionnellement, que certains des résultats peuvent être jugés effrayants. Pour le commentateur, bien sûr, mais aussi, évidemment, pour nous. Je m’interroge : le travail d’un commentateur (et non d’un éditorialiste) est-il de communiquer un simple sentiment ou bien d’aider ses lecteurs à réfléchir ? En l’espèce, il me semble que l’effroi annoncé n’a pas de justification dans les éléments commentés. Peut-être a-t-il d’autres justifications, je ne le sais pas, n’étant en rien spécialiste de la question.

 Je ne réfléchirai à partir d’un des exemples cités, selon lequel 30% à peu près des personnes interrogées  considérées comme musulmanes estiment  les lois de Dieu supérieures à celles de la République.

Réfléchissons. Qu’un croyant juge les lois de Dieu supérieures à celles de l’Etat n’a rien qui doive surprendre ou effrayer. On peut même s’étonner que tous les croyants, chrétiens, juifs, musulmans, ne pensent pas ainsi. Pour un croyant, il est dans l’ordre des choses que le divin l’emporte sur le temporel, n’est-ce-pas ?

Ce que le commentaire n’aborde pas, c’est le choix de la personne interrogée dans le cas d’une contradiction entre la loi divine et la loi de l’Etat. C’est plus ou moins le dilemme d’Antigone face à la loi de Créon. Vais-je, moi, croyant, appliquer cette loi humaine contraire aux lois du Dieu dans lequel je crois, vais-je au contraire m’y opposer ? Observons qu’une troisième voie est parfois possible, celle de l’abstention : si la loi prévoit que deux femmes ou deux hommes peuvent se marier et que, selon la loi de mon Dieu, le mariage est l’union d’une femme et d’un homme, rien ne m’oblige à m’unir à une femme si j’en suis une ou à un homme si j’en suis un, même si j’y étais enclin (le célibat est un choix toujours possible). Ici, donc, je me borne à m’abstenir de mettre en œuvre la loi de l’Etat, sans plus, ce qui est une forme d’opposition que l’on peut qualifier de « douce » (sachant qu'on peut approuver cette loi et néanmoins se marier comme on l'a toujours fait..., ou rester célibataire).

Revenons à notre alternative, appliquer la loi humaine contraire à la loi divine ou bien s’y opposer.

Connaissez-vous Roux le bandit, le premier livre d’André CHAMSON ?  Publié en 1925 (ce qui n’est pas indifférent), il raconte l’histoire d’un paysan cévenol, protestant, comme il se doit, qui se refuse à tuer et donc ne répond pas à l’ordre de mobilisation générale de 1914 mais au contraire s’enfuit dans la montagne, en butte à l’hostilité générale. Lui aussi fait prévaloir la loi de son Dieu sur celle de l’Etat, en s’opposant frontalement à celle-ci. Comme, alors que la population revient à de meilleurs sentiments envers lui, on lui demande pourquoi il n’a pas fait comme un pasteur nîmois qui a demandé à servir dans les services sanitaires, pour ne pas tuer, et qui y a trouvé la mort, il répond que cette voie (ce que j’appelai l’abstention, ou l’opposition douce) n’était pas possible à un simple paysan, que le pasteur était un « monsieur » que les autorités militaires pouvaient écouter alors que lui-même ne l’aurait pas été, ce dont ses interlocuteurs conviennent. Roux a choisi de s’opposer à la loi humaine au nom de la loi de Dieu, et il subira les conséquences puisque, finalement arrêté, il est condamné à la prison, au moment même où la population le rejoint dans sa compréhension de la loi divine, donc dans son opposition à la guerre, donc dans son opposition à la loi humaine.

C’est dire que la priorité donné à la loi divine sur la loi humaine se pose pour tous les croyants, quelle que soit leur religion, et qu’il est parfaitement possible qu’un croyant accepte de se mettre hors la loi de l’Etat pour des raisons religieuses et même, peut-on ajouter, qu’une personne l’accepte pour des raisons morales (Antigone) ou politiques (il suffit ici de songer à l’appel à la grève générale que certains socialistes avaient imaginé pour s’opposer à la Grande Guerre).

La question, alors, se déplace, et devient celle des modalités de l’opposition du croyant à la loi humaine. Certaines peuvent être parfaitement légales selon les règles étatiques, par exemple lutter pacifiquement pour le changement de la loi ou  émigrer dans un autre pays. D’autres peuvent ne pas l’être. C’est devant quelques-unes de ces modalités illégales que l’on pourrait s’effrayer. Mais les personnes concernées n’ont pas été interrogées sur ce point. On peut d’ailleurs douter de la sincérité de la réponse à une éventuelle question sur un possible recours à la violence ; il est fort probable que, quelles que soient les intentions réelles de la personne sondées, il se bornera à manifester une vertueuse indignation devant cette hypothèse. Le commentateur fait silence sur ce point. Or, il est capital : si on ne peut avoir peur de l’affirmation d’un croyant selon laquelle les lois de Dieu sont supérieures aux lois humaines, il est légitime d’avoir peur d’un extrémiste prêt à tout pour sa croyance. D’où ma question (que le commentateur ne pose pas) : quelles conséquences les personnes interrogées tirent-elles de leur position de principe ?

Résumons. Il me semble que le fait que 30 % des personnes se réclamant de l’Islam ou rattachés à cette religion déclarent que les lois divines sont supérieures aux lois de l’Etat n’a, en soi, rien d’effrayant. La situation pourrait être la même pour des croyants d’une autre religion. Ce qui pourrait être effrayant, ce sont les conséquences extrêmes qu’un pourcentage, probablement infime, est susceptible d’en tirer.

Le rôle d’un commentateur n’est pas d’effrayer (ou de communiquer tout autre sentiment), il est de raisonner, sauf à n’être qu’un simple propagandiste.

 

  

 

   

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