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Points de vue des citoyens ordinaires
24 décembre 2016

DEFENSE DE L'ARTICLE 49-3 DE LA CONSTITUTION

 

Ne trouvez-vous pas plaisant qu’un ancien (depuis peu) Premier Ministre, qui a commencé sa carrière politique avec Michel ROCARD, et qui a utilisé cette procédure, propose aujourd’hui de supprimer l’article 49-3 de notre Constitution ? Le plus souvent, c’est dans l’opposition et non dans la majorité qu’on soutient que le recours à l’article 49-3 de la Constitution est un coup de force, une décision antidémocratique en tant qu’elle prive le Parlement de son droit à discuter et à voter la loi.

Que l’argumentation puisse porter, nul doute. Mais qu’elle soit fondée, c’est cela dont il faut discuter.

Allons au texte de cette disposition : « Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session. »

Ainsi donc, après approbation du conseil des ministres (qui se réunit, on le rappelle, sous l’autorité du Président de la République, lequel approuve donc le recours à l’article 49-3), le Premier ministre engage la responsabilité du gouvernement sur le vote d’un texte de loi, c’est-à-dire lie son sort à l’adoption de ce texte ; ou bien celui-ci est adopté, et le gouvernement perdure, ou bien le projet est rejeté, et le gouvernement démissionne. Pour parvenir à ce résultat, il faut qu’un nombre minimal de députés déposent une motion de censure, et que celle-ci soit votée à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée. Observons, au passage, que, puisque le résultat nécessaire de ce vote est la démission du gouvernement, la constitution aurait pu exiger que l’Assemblée prouve que la majorité ainsi réunie n’est pas seulement une majorité négative mais aussi une majorité positive, prête à soutenir un autre gouvernement, comme cela existe dans certains pays. Mais une exigence de ce type aurait limité les choix du Président de la République dans la désignation du chef du gouvernement ; les constituants ont donc fait le choix de considérer qu’une simple majorité négative suffit pour entraîner la démission du gouvernement.

A propos de cette procédure, on a parlé (et certains, passés de l’opposition au gouvernement, ont dû regretter leurs propos…) de « dissuasion nucléaire », on a dit qu’il servait à « museler le Parlement », qu’il s’agissait de « déni de démocratie » et autres appréciations du même genre…  Est-ce vraiment le cas ? On peut en douter : tout se passe en effet comme si, en cas de recours à cette procédure,  le Parlement (l’Assemblée nationale, plus exactement) était mis en demeure par le gouvernement de prouver qu’une majorité existe pour rejeter le texte en discussion ou de l’approuver dans sa globalité. Certes, à ce moment, la discussion est close ou au moins déportée sur la motion de censure  (à suppose que celle-ci ne vise pas simplement le texte en discussion). Mais  jusqu’à cet engagement de la responsabilité du gouvernement, la discussion s’est poursuivie dans le cadre constitutionnel normal, le Parlement n’a pas été privé du droit de débattre, ce qui serait en effet museler le Parlement ; tout au plus a-t-il été privé du droit de continuer à débattre, ce qui est bien différent. On peut regretter l’existence de cette procédure, mais il faudrait alors en regretter d’autres, qui visent à encadrer, et strictement, le travail parlementaire. C’est en effet l’un des aspects de ce qu’on a pu appeler « le parlementarisme rationnalisé » qui utilise des règles de droit pour obtenir ce qu’ailleurs le régime électoral et le fonctionnement des partis politiques suffit à assurer : à savoir une majorité parlementaire stable et cohérente.

Et c’est ici qu’apparaît le véritable sens de l’article 49-3, qui est de contraindre le Parlement à exprimer une volonté claire et cohérente à propos de l’existence du gouvernement: s’il en souhaite le maintien, alors il approuve le texte qui lui est proposé, que l’exécutif considère indispensable à son action ; s’il souhaite rejeter ce texte, alors il  accepte que le gouvernement démissionne. L’Assemblée national, ou tout au moins la majorité parlementaire, est ainsi mise en demeure de se prononcer clairement.

C’est peut-être brutal (encore que…), mais en quoi la procédure serait-elle antidémocratique ? Le Parlement est-il dépossédé de son rôle de discuter la loi ? Bien sûr on pourrait imaginer un gouvernement  engageant d’emblée sa responsabilité sur un texte. Mais on voit bien que ce n’est pas le cas le plus fréquent; on constate qu’en pratique c’est le plus souvent parce que la discussion parlementaire a montré que la majorité soutenant le gouvernement est faible ou même aléatoire que le Premier Ministre choisit de la contraindre à choisir l’un des deux termes de l’alternative analysée plus haut. Et d’ailleurs cette procédure doit demeurer exceptionnelle, puisque le gouvernement, si l’on excepte la loi de finances ou la loi de financement de la sécurité sociale, c’est-à-dire des textes essentiels à l’action publique, ne peut utiliser cette procédure qu’une fois par session parlementaire.

Ah ! Un rappel : c’est Michel ROCARD, Premier Ministre, qui a fait le plus fréquemment usage de l’article 49-3. 28 fois, sauf erreur. Et nul ne prétend que Michel ROCARD n’était pas un grand démocrate. J’ajoute qu’à mon sens ce fut, aussi, un grand Premier Ministre.

 

 

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