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Points de vue des citoyens ordinaires
5 décembre 2016

SUR QUELQUES CAMPAGNES ELECTORALES RECENTES

 

1. Commençons, si vous le voulez bien (et si vous ne le voulez pas, vous pouvez toujours passer à la suite) par les élections américaines, dont on peut retenir quelques enseignements.

 * La campagne électorale, et c’est le moins qu’on puisse en dire, n’a pas été caractérisée par la distinction, l’élégance ou la hauteur de vue. C’est, finalement, une information intéressante : on peut manquer d’élégance, de distinction et de hauteur de vues, peut-être même aussi de compétences, et néanmoins être élu. Après tout, pourquoi seuls celles ou ceux présentant ces qualités devraient-ils être élus ? Ce serait contraire à la démocratie et à l’égalité, non ? Plus sérieusement, cette campagne (de même qu’en France celle d’un candidat à la primaire éliminé à la surprise générale au premier tour) a montré une remarquable maîtrise du candidat élu dans sa gestion des médias non moins qu’une remarquable incapacité de ces mêmes médias à faire valoir leurs arguments critiques vis-à-vis de lui. Tout s’est passé, en effet, comme si ce candidat, D. T…., avait réussi à instaurer entre lui et ses électeurs une forme de connivence, sinon même de complicité, que les critiques médiatiques, parfaitement justifiées, ne faisaient que renforcer. Ainsi, par exemple, à son retour du Mexique, le  discours de D. T…. sur le paiement du mur qu’il promettait de faire construire entre ce pays et les Etats-Unis, et son affirmation selon laquelle les Mexicains l’ignoraient encore mais que le charge de ce mur leur reviendrait[1]. On (les médias) pouvait faire valoir de nombreuses critiques à propos de ce discours, mais les électeurs ne les retenaient pas ; ce qu’ils voyaient, c’est le bon tour joué aux Mexicains par un type astucieux qui ménagerait leurs précieux dollars, que « le système » (ici les médias) ne comprenait pas.

 * Il ne fallait pas être devin pour prévoir qu’une fois élu D. T…. abandonnerait la plupart de ses promesses de campagne. Etablir la liste de ses revirements est devenu une rubrique habituelle de la presse. Ceux qui ont lu le billet publié ici même le 27 avril  (eh oui) n’auront pas été surpris. En bon démagogue populiste, D. T…. a dit à ses électeurs ce qu’ils voulaient entendre, et fera au cours de son mandat tout autre chose. La majorité des électeurs sont (paraît-il) en colère[2] contre « le système » ou « les élites » ? Pas de problème, D. T…. jure qu’il changera tout cela. Mais ces élites (en gros, les riches) ont majoritairement voté pour lui. Elles savaient bien qu’elles ne risquaient rien de notre milliardaire devenu président. Et les nominations qui se suivent, et qui font la part belle à Wall Street, montrent bien qu’elles avaient raison. Quant à ce qu’il fera… Nous verrons bien, mais, selon toute apparence, il reviendra sur une bonne part de ses promesses électorales. Que penseront ses électeurs populaires de la comédie qu’il leur a jouée, je ne sais. Mais il y a de bonnes chances qu’ils se sentent trahis.

 

2. Passons à la primaire française de la droite et du centre. La façon d’agir à la D. T…. qu’a employée l’un des candidats, en parlant ici des Gaulois, là de double ration de frites, ce qui immédiatement déclenchait la critique des médias, a certainement eu pour effet de créer cette situation de connivence dont je parlais ci-dessus. Mais, au contraire de ce qui s’est passé aux Etats-Unis, cela n’a pas entraîné une majorité d’électeurs, et notre candidat a été éliminé. Pour un moment du moins, car comme le chat, il semble avoir plusieurs vies…

Selon une analyse maintenant classique, les élections se gagnent au centre, ce qui conduit les partis, de gauche et de droite, à atténuer leurs discours pour attirer les électeurs centristes. Mais ce constat ne vaut pas pour les primaires, qui s’adressent sinon à des militants, du moins à des électeurs déjà convaincus  et par cela même rétifs à cette atténuation vers le centre. Au contraire, ils réclament un programme électoral ici de droite dure mais pure (c’est-à-dire sans appel du pied ou de tout autre membre à l’extrême-droite). F. Fillon l’a bien compris, qui a donné dans la grammaire de droite classique reagano-thatcherienne (avec quelques années de retard sur ces grands ancêtres…). Cela, combiné à son image classique, suffit sans doute à expliquer l’ampleur de sa victoire, bien davantage qu’un vote catholique passablement fantasmé. Mais il lui reste (si l’on peut dire) maintenant à gagner l’élection et, pour ce faire, le vote des électeurs centristes sera décisif. Le rétro-pédalage sur le remboursement des soins ne s’explique sans doute pas autrement, et certainement pas, en tous les cas, parce qu’on aurait mal compris le candidat…

 

3. Terminons par un bref commentaire sur l’élection autrichienne. Les réseaux dits sociaux y ont, semble-t-il, joué un rôle non négligeable. On dit même que la mise en ligne sur le site d’Alexander Van der Bellen d’un entretien avec une survivante de la Shoah a contribué à rappeler aux électeurs autrichiens quelques souvenirs historiques douloureux qu’ils auraient pu avoir oubliés et à les détourner d’un vote d’extrême-droite.

 

Le pire n’est jamais sûr, simplement probable.



[1] Avez-vous remarqué que l’édification d’un mur est devenu un must de la politique moderne, ici ou là ? On a bien oublié les concepteurs du mur de Berlin, qui ont cependant de nombreux épigones lesquels se gardent bien de revendiquer cette filiation…

[2] Ce qui est peut-être vrai, mais ne les autorise pas à voter n’importe comment. Ce n’est pas parce que je suis en colère contre mon voisin (hypothèse, je m’empresse de le dire) que je peux lui donner un coup de poing, ou pire.

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