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Points de vue des citoyens ordinaires
11 avril 2016

REPONSE D'UN CITOYEN ENGAGE A UN AUTRE CITOYEN ENGAGE

Dans une tribune publiée par le journal « Le Monde » le 8 avril, vous vous présentez, Monsieur, comme « un citoyen engagé » et vous hurlez – c'est là le terme que vous utilisez – que des partis, à savoir le Parti socialiste et les Républicains qui « ensemble, réunissent moins de membres actifs que la Fédération française de pétanque ou celle de canoë-kayak » verrouillent  « un jeu politique déconsidéré », notamment avec la modification des règles relatives à l'égalité des temps de parole avant l'élection et à la publicité des parrainages prévue dans le texte « perfide » voté le 5 avril par l'Assemblée nationale. Permettez une courte réponse au citoyen également engagé que je suis.

Passons sur votre qualification de ce qu'on appelle habituellement les partis de gouvernement et que vous nommez « les petits partis ». Certes, ils ont moins de militants que certaines fédérations sportives n'ont de membres. Mais permettez-moi d'observer que les autres partis sont dans une situation pire ; pour reprendre votre comparaison, ils réunissent moins de membres actifs qu'une section locale des fédérations sportives que vous citez. Si le PS et les Républicains (et, en nombre de militants, le Front national) sont des petits partis, alors les autres sont des partis minuscules. On peut regretter la faiblesse de l'engagement militant dans les partis politiques. Mais on doit constater qu'elle touche tous les partis politiques français. Au surplus, la pratique des primaires montre que si le cercle des militants est étroit, celui des sympathisants des deux partis que vous qualifiez de « petits » est bien plus large. L'un l'a montré dans le passé, l'autre le montrera dans l'avenir, j'en suis certain.

Il me parait passablement contradictoire, aussi, d'écrire que le jeu politique est déconsidéré et que certains cherchent à en verrouiller l'accès. S'il était si déconsidéré que vous le dites, on pourrait laisser la porte ouverte, personne ne chercherait à franchir le seuil. On ne protège que ce qui est convoité. Mais passons encore pour en venir au fond.

Vous écrivez que « le 24 mars au soir, 11 députés ont été missionnés pour préserver les intérêts de leur caste ». En suggérant que le texte est d'origine parlementaire, vous passez sous silence le fait que plusieurs institutions indépendantes ont proposé de modifier les règles applicables à l'élection présidentielle dans le sens qu'a repris le législateur. Voyez, par exemple, les « Observations sur l'élection présidentielle des 22 avril et 6 mai 2012 », publiées sous la signature du Président du Conseil constitutionnel le 23 juin 2012. Certes, vous pourriez objecter que les membres du Conseil, nommés par des autorités politiques, font également partie de la « caste » qui suscite votre ire. Mais ce serait oublier que le Conseil a collectivement su, depuis plus de quarante ans, prendre la plupart de ses décisions en toute indépendance.

Avant d'en venir aux deux dispositions que vous jugez scélérates, j'observe que vous proposez une modification substantielle des règles de l'élection avec cette idée que « tout candidat soutenu par 500000 citoyens puisse se présenter à l'élection présidentielle ». La proposition a de quoi séduire, et si elle est difficile à mettre en œuvre – faut-il, par exemple, prévoir une candidature officielle à la candidature ou laisser à toute personne la possibilité de faire un appel direct au peuple pour le soutenir, par le biais par exemple des réseaux dits sociaux ? –,  elle est envisageable.

Vous mettez en cause la publicité des parrainages, qui serait selon vous un mécanisme d'intimidation. Je ne nie pas que cette publicité peut servir à des partis politiques (tiens, les revoilà, ils ont donc encore une certaine influence) à contrôler les élus locaux et une éventuelle pratique jugée par eux erratique. Mais est-il certain que leur pouvoir national ou local soit si assuré qu'ils puissent à tout coup aboutir ? Ici encore, c'est oublier que les pouvoirs, en France (jusqu'à aujourd'hui encore, et heureusement), ne sont pas monolithiques ; dans tel département ou telle intercommunalité tenu par la droite, il y a des maires de gauche, et inversement. Les maires qui parrainent un candidat qui n'est pas celui soutenu par l'exécutif départemental  (ou intercommunal, ou régional) sont-ils aujourd'hui discriminés quand on connait leur parrainage ?   A l'inverse, la publicité des parrainages interdit des calculs politiciens permettant de susciter des candidats susceptibles de gêner un adversaire politique, ce qui, pour vous citer à nouveau, est bien « une entourloupe malsaine ». Et votre analogie avec le vote du citoyen n'est pas recevable : si le maire est en position de parrainer un candidat, c'est qu'il a été élu, et lorsqu'il donne son parrainage, il s'agit d'un acte politique que son électeur est en droit de connaître. Rien de tel avec le vote du citoyen électeur.

Quant au temps de parole...  La loi distingue entre l'équité et l'égalité de traitement. Cette dernière est une obligation pour les éditeurs de services de communication audiovisuelle (et pourquoi seulement ceux-là, et non la presse écrite, je vous le demande) durant la campagne officielle. Avant cette campagne officielle, et du jour de la publication de la liste des candidats, il n'est question que d'équité, ce qui suppose notamment de tenir compte de la représentativité des candidats. Je vous pose la question : est-il équitable de comptabiliser le même temps de parole à un candidat adoubé par une primaire à laquelle ont participé 4 millions de votants (incidemment, pas loin du double des adhérents à la Fédération française de football) et à celui qui est présenté par de ces partis minuscules dont je parlais plus haut, et qui aura – s'il réunit les parrainages en nombre suffisant – moins de 1% des voix ? Il me semble que l'idée d'équité tient compte à la fois de la nécessité et de la difficulté du travail d'information, de la nécessité de faire une certaine place à tous les candidats et –last, but not least – du fait que l'élection présidentielle est d'abord un mécanisme de sélection d'un dirigeant et non une tribune offerte à tous les courants de l'opinion publique tous les cinq ans.

Vous l'aurez compris : je suis loin de voir dans ces dispositions une tentative de verrouillage de l'opinion, comme vous le faites, ou de bâillonner le débat, ce que vous jugez indigne. Il me semble qu'il s'agit plus simplement de la mise en œuvre de quelques principes de bon sens. Et que, tant qu'à faire d'élire le Président de la République au suffrage universel direct, il faut que l'élection soit la mieux organisée qu'il est possible.

 

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